Après un premier article sur la connotation sociale puis sur le masque. Terminons cette série d’articles concernant le film JOKER, parlons maintenant de la folie. La définition donnée par Wikipédia va encore plus loin que la notion du clown fou ou symbolique du désordre. Celle-ci nous dit : « La folie désigne des comportements jugés et qualifiés anormaux. Elle peut désigner la perte de la raison ou du sens commun, la violation des normes sociales, une posture marginale, déviante ou anticonformiste ».
La folie, déterminée par la société ?
La folie ou plutôt cet état déterminé par la société par un certain cadre social établi. Comme bien, souvent, vous avez une opposition entre les gens dits « normaux » et les « autres ». Les riches/les pauvres, les intelligents/les bêtes, les élites/la plèbe…
Tout est question de point de vue et de la société.
Regardez, il y’a encore un siècle, les homosexuels étaient « soignés » par électrochocs car jugés comme déviants !Ce qui est normal pour les uns est peut-être différent pour les autres et inversement. Tant au niveau du comportement que de la perception. Nous sommes tous différents mais nous ne sommes pas pour autant le fou d’un autre. Les personnes et la société ont d’ailleurs tendances à se regrouper avec des personnes proches de soi tout en stigmatisant les autres. (nous retrouvons ici la situation du New-York des années 80 dont je parlais dans le premier article).
La folie est avant tout un déchirement que l’on a en nous. Ce moment où la raison commence à défaillir pour ne plus être dans les « normes ». La fragilité du soi face à l’émergence de ses pulsions comme l’avance Jacques Press, un psychanalyste ayant écrit « Acquisition du sens de la réalité, folie et somatisation ». En reprenant les travaux de 1913 de Ferenzi qui donnait son point de vue en démontant celles de Freud. Ces études (et même de nos jours où l’on parle de son « enfant intérieur ») amènent à réfléchir sur les traumatismes acquis lors de l’enfance.
> Je crois que c’est à ce moment du film où l’on devient compatissant envers Arthur Fleck quand il découvre le passé de sa mère et son enfance avant de choisir de devenir le Joker
Cette enfance où l’on distingue la perception et que l’on commence à se projeter. Même si cette perception enfantine de son environnement n’est pas encore pleinement possible. C’est pourtant ce qui va s’ancrer au plus profond de son cœur, des blessures et les acquis du « moi » et de la réalité.
> Le film montre d’ailleurs plusieurs fois ces confusions entre le réel et l’irréel. La mort de la mère dans le film est d’ailleurs la « libération » des frustrations du petit Arthur devenu adulte face à la réalité.
On peut également se demander qu’est-ce qu’est la réalité ?
Normalement, celle-ci vient de ce que l’on vit, entend, vois et crois, la réalité est donc l’issue de la subjectivité de chacun. Il y’a les réalités partagées par le plus grand nombre comme j’évoquais tout à l’heure avec un certain « diktat » de la masse et les réalités non partagées dites différentes. Au final, tout comme la folie, la réalité est individuelle.
La réalité non partagée (différente) peut être perçu comme divergente avec un certain risque de rejet des autres. Accepter nos différences permet donc de se protéger mais à condition d’agir en conséquence (comme porter un masque).
Dans la folie ou plutôt dans le film JOKER, Arthur Fleck apparait comme un schizophrène avec un certain repli sur soi. Un comportement désorganisé et des problèmes de concentration ainsi que des hallucinations. Il arrive même que le malade soit enfermé pour retrouver la paix.
> Nous savons même qu’Arthur Fleck aurait préféré rester à Arkam plutôt que d’être dehors.
Finalement, tous se résume entre le « eux » et le « nous », la stigmatisation des personnes et le besoin de « leader ».
> Rappelez-vous dans le film, la glorification du clown tueur après les meurtres du métro alors qu’à ce moment-là, le Joker n’existe pas encore vu qu’il s’agit au début d’un accident avant de s’enchainer rapidement sur un comportement déviant de vengeance et de libération.
De toute façon, nous sommes tous le fou de quelqu’un d’autre, la société est « normalisée » par le plus grand nombre. A moins de l’accepter, le mal-être finira par nous ronger avec des conséquences diverses
Le film JOKER est devenu un tel blockbuster qu’il faut bien le voir plusieurs fois pour comprendre tous ce que contient cette œuvre. Joaquim Phoenix est certainement en route pour obtenir l’oscar du meilleur rôle de 2019. Et en attendant, le quartier du Bronx devient le lieu touristique à la mode pour se prendre en photo dans les 132 marches séparant Shakespeare Avenue à Anderson Avenue.
Une violation des normes sociales et une posture marginale, vous ajoutez à cela, la gestuelle et la liberté du clown ainsi que le contexte sociale d’un New-York des années 80 et vous obtenez la genèse du Joker. Ce personnage emblématique qui deviendra plus tard l’opposé total de Batman.
Ce film finalement n’est pas « gênant » mais criant de vérités de par les différentes choses qu’il dénonce. Les personnes voyant ce film comme dérangeant doivent certainement porter des œillères autour de la tête. Ce que dénonce JOKER pourrait presque être contemporain. Quand on voit à quel point la situation mondiale actuelle devient conflictuelle. On se demande comment d’autres Arthur Fleck font à ne pas se révéler.
Sources aidant à la rédaction de ces 3 articles :
« Le symbolisme du masque » de Hermanubis : http://www.hermanubis.com.br/Artigos/FR/ARFRLeSymbolismeduMasque.htm
« Le clown, poète du désordre » de Philippe Goudard :
https://www.cairn.info/revue-sens-dessous-2013-1-page-129.htm
« Acquisition du sens de la réalité, folie et somatisation » de Jacques Press https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychosomatique-2005-1-page-49.htm
« Des réalités non partagées » de Maëlle Marvau
http://psy-paris.eu/realites_non_partagees.php