Nous avons parlé dans le premier article de la connotation sociale du film. Dans ce second article consacré au JOKER, je vais essayer de vous faire comprendre le pouvoir du masque. Même si Arthur Fleck utilise du maquillage, au final, ce n’est pas son visage naturel.
Le masque, un outil puissant
Le masque, un « outil » de dédouanement, de libération, de se cacher derrière une représentation. A travers cet article, je parlerais du masque en général, de sa signification et donnant parfois des références à d’autres films comme The Mask ou Orange Mécanique ainsi que le mouvement des Anonymous et de la Commedia dell’arte.
Pour reprendre la définition de Wikipédia, « le masque est un objet destiné à dissimuler, représenter ou imiter un visage. Il assure de nombreuses fonctions, variables selon les lieux et les époques ».
Il apparait que le masque est souvent un accessoire d’un costume servant à changer l’allure de son possesseur lors de fêtes ou d’évènements : Théâtre, bals, carnaval…
Le masque vénitien sert à cacher son visage aux personnes que l’on rencontre afin de pouvoir jouer un rôle et se comporter autrement de ce que l’on est.
Ces quelques explications ne vous rappellent-elle pas la scène où les 2 amis d’Arthur Fleck viennent le voir ? Où Arthur, les cheveux verts et le visage blanc se met à changer brutalement pour ne plus être le gentil « con ».
Dans les temps les plus anciens comme en Egypte, le masque servait à protéger les morts des différents insectes. Dans la culture asiatique ou amérindienne, les masques servaient à faire peur aux esprits et les démons. Lors du moyen-âge, l’usage du masque a commencé à changer pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Un déguisement autorisant une certaine liberté d’actes, de pensées et de langage.
Il est alors facile de comprendre pourquoi Arthur Fleck devient le Joker. Le Joker est une personne totalement différente qui est finalement un pauvre bougre détruit par la vie. Devenir le Joker est ainsi pour lui une nouvelle naissance.
Quelques exemples :
Regardez à titre d’exemple le film « The Mask » avec Jim Carey où il incarne Stanley Ipkiss. Un modeste employé de banque timide et devient le tourbillon de folie cartoonesque qu’est le masque.
Nous sommes un peu dans le cas du Joker et de la puissance du masque
Ou dans le film « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick adapté du livre d’Anthony Burgess. Où les déguisements des personnages font au début penser à une comédie avant de voir une profusion d’atrocités commises sans la moindre gène à se retrouver libres de faire ce qu’ils veulent (nous sommes un peu sur la fin du film JOKER à ce moment-là).
Dans la société moderne ou plutôt actuelle, il n’est pas rare de « porter un masque » pour usurper la société. Le masque devient le synonyme de la tromperie, de la malhonnêteté.
Trouvez-moi un seul exemple d’un moment de la journée où vous ne devez pas porter ce masque. Ce sourire forcé alors que l’on est pas bien, devoir faire face à l’adversité alors que nous avons un moment de faiblesse, essayer d’être différent simplement pour être accepté.
« Je me souviens d’une fois où l’on m’a demandé avant une soirée de ne pas être moi-même. C’est-à-dire d’être moins trashy dans ma façon de parler ou de ne pas faire de blagues potaches, du coup en arrivant à la soirée, j’ai sorti le masque de la personne « fermée » »
Savez-vous également qu’au Japon, l’alcool et les invitations à boire font parties des coutumes pour voir les personnes sous leur vrai visage une fois alcoolisées ?
Nous retrouvons aussi les masques dans la Comedia Dell’arte, un genre de théâtre populaire italien datant du 16ème siècle. Des acteurs masqués improvisaient des situations liées à leurs personnages ou plutôt leurs masques. Citons par exemple le joyeux Arlequin, Pentalon, le vieux revêche ou l’amour avec Colombine. Molière a même repris certains rôles pour dénoncer la société dans ses pièces.
Dénoncer la société, encore un bel exemple de la fin de JOKER ou même du mouvement des Anonymous.
Le clown, poète du désordre
Pour terminer cet article, évoquons maintenant un masque bien particulier, celui du clown.
A partir d’un article de Philippe Goudard de 2013 « le clown, poète du désordre », ce médecin et artiste nous parle des origines du clown. De l’improvisation, artiste comique, fantaisiste sophistiquée à personnage transgressif, il devient au fil du temps l’effervescence du désordre. (le clown garde toujours une place thérapeutique dans les hôpitaux).
A travers son expérience personnelle, Philippe Goudard nous explique que contrairement à un jeu d’acteur où l’on joue à être quelqu’un, le clown est comme un possédé, vos sens et votre façon d’être changent. Votre perception cognitive change. Les perceptions, la motricité, le raisonnement et même l’élocution deviennent différents. Vous êtes dans votre monde et ceci peut même prendre l’apparence d’un trouble mentale si le clown ne redevient pas homme.
Le monde est perçut autrement et on devient libre d’être différent. Pour être un bon clown, on doit constamment « marcher au bord du précipice comportementale » avant de redevenir soi-même. La tragédie et le comique sont d’ailleurs les 2 faces d’une même pièce et le Joker incarne cet aspect, l’effervescence du désordre. Sauf qu’Arthur Fleck décide de disparaître et laisser place entièrement au Joker. Cet « artiste »raté mais libre de ses choix et de sa vie. Pour pallier à ses troubles comportementaux, il décide de les adopter intégralement pour être lui-même, un clown fou.
Ce qui nous mène maintenant à notre 3ème article sur la folie.
Vous commencez à cerner ce qui a créé le Joker, nous allons finir avec ce comportement mental « anormal ».